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Les mouvements qui ont inspiré le commerce équitable

Publié le 23 avril 2013 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2020

Le commerce équitable, c’est 70 ans d’histoire d’hommes et de femmes qui, au Nord comme au Sud, sont animés par des valeurs de justice et de solidarité. Le mouvement est né dans l'après-guerre sous l'impulsion d'associations humanistes à partir d’une conviction : l’envoi d’aides financières ne représente pas une solution durable aux problèmes de développement dans les pays du Sud. Avec le courant tiers-mondiste, un nouvel élan est donné avec   le modèle des filières dites intégrées. A la fin des années 90, un tournant s’opère avec la création d’une certification commerce équitable. D’alternatif, cet autre commerce devient équitable. Désormais, il ne s’adresse plus seulement à s’adressant à un public composé de militants : il participe d’une consommation responsable. Entrant dans la sphère du marché et de la concurrence, le commerce équitable doit désormais se protéger des dérives possibles. Rétrospective d’un mouvement pour un commerce plus juste.

1940/1960 : l’inspiration humaniste

Les années 40/60 marquent les débuts d’une volonté de justice non caritative. Il ne s’agit plus de se donner bonne conscience en aidant les exclus du monde, mais d’inscrire l’équité dans le commerce mondial. Le modèle est de distribuer des produits alimentaires et artisanaux sur les marchés ou dans des boutiques spécialisées tenues par des militants. On parle alors de commerce alternatif.

Dès la fin de la seconde guerre mondiale, une association américaine, Ten Thousand Villages, commercialise à travers un réseau de militants des produits artisanaux pour aider des artisans de Palestine, Haïti et Porto Rico. A la fin des années cinquante, c’est l’association britannique Oxfam qui vend de l’artisanat produit par des Chinois réfugiés à Hong Kong. Quelques années plus tard, Oxfam crée la première organisation de commerce alternatif et revendique sa volonté d’un commerce différent du commerce conventionnel.

1960 – 1990 :  l’inspiration tiers-mondiste

Parallèlement, dans les pays du Sud, certains producteurs suffisamment organisés pour faire entendre leur voix réclament des relations commerciales justes leur permettant non seulement d'assurer leur quotidien mais de prendre en charge leur propre développement. C’est l’appel « Trade, not Aid » lancé en 1964 par des producteurs à la CNUCED.

Dans la plupart des pays européens, le mouvement se structure autour des filières dites "intégrées" : des organisations spécialisées importent et vendent directement aux consommateurs à travers des boutiques, en dehors des circuits de distribution classique. Les magasins alternatifs de plusieurs pays commencent alors à se réunir en organisations nationales.

L’association OXFAM naît au Royaume-Uni au milieu des années 60 ainsi que SOS Wereldhandel aux Pays-Bas. Le premier magasin de commerce équitable ouvre ses portes aux Pays-Bas en avril 1969. Deux ans plus tard, il en existe plus de 120. Le succès du commerce alternatif s’étend rapidement à d’autres pays : Allemagne, Autriche, Suisse, Belgique, Suède, Royaume-Uni.

En France, l’association Artisans du Monde naît en 1974 de l’initiative de militants qui veulent soutenir les producteurs de jute du Bangladesh, dont les cultures sont menacées par des inondations, en achetant leurs surplus et en les vendant sur le marché français. Ces actions sont étroitement liées à celles de l’Abbé Pierre avant une scission entre les "historiques", issus d’Emmaüs, plutôt caritatifs et modérés, et les "jeunes", tenants d’une approche plus politique du tiers-mondisme. La première boutique Artisans du Monde ouvre ses portes à Paris en 1974. C’est à la fois un point de vente et un lieu d’information sur les conditions de travail des producteurs et sur les méfaits du commerce international. On parle alors d’Education au développement. En 1981, la Fédération Artisans du Monde est créée ainsi qu’une centrale d’importation de produits issus de coopératives de producteurs marginalisés du Sud : Solidar’Monde.

Depuis 1990 : l’inspiration de la consommation responsable

Le commerce alternatif a prend de l’ampleur et s’affirme en s’adressant désormais à un public plus large : le consom’acteur est né et l’on parle à présent de commerce équitable. Jusqu’alors, resté cantonné à des circuits de distribution spécialisés, le commerce alternatif n’était connu que par les personnes déjà sensibilisées.

Avec l’émergence d’une pensée altermondialiste, dont le fameux No logo de Noami Klein, la consommation devient responsable et le consommateur est dorénavant conscient que ses choix ont un impact à l’autre bout de la chaîne de production. Le lien producteur/consommateur se resserre.

Les producteurs de leur côté font pression pour vendre davantage, d’autant plus que les prix des matières premières s’effondrent. En 1986, des petits producteurs de café du Chiapas au Mexique, lancent un cri d’alarme sur leurs conditions de travail. La réaction vient à nouveau des Pays-Bas et l’association Max Havelaar est créée 1988.

Max Havelaar, c’est qui ?
Max Havelaar n’existe pas, il s’agit d’un personnage de roman. Ecrit par Eduard Douwes Dekker sous le pseudonyme Multatuli (du latin multa tuli : « J'ai beaucoup souffert ») et publié en 1860 aux Pays-Bas, ce roman dénonce un système commercial injuste qui accable alors 30 millions de Javanais, colonie néerlandaise à l’époque. Le fameux Max Havelaar est un fonctionnaire colonial néerlandais qui se révolte contre l'oppression que subit le peuple javanais.

Le tournant est décisif et le modèle change : il repose sur un label et une certification apposée sur les paquets de café avec l’implication d’entreprise de torréfaction « classique » et une vente dans la grande distribution.

Ce nouveau modèle s’étend au-delà des frontières néerlandaises, et des organisations de commerce équitable adoptent cette certification en Belgique en 1990, en Suisse et au Danemark en 1994. En Allemagne, des organisations de commerce équitable lancent leur propre label "Transfair" en 1993. Il est par la suite adopté par l’Autriche, le Japon et l’Italie. L’Irlande et le Royaume-Uni ont également, depuis 1994, leur label : Fair Trade.

En France, l’association Max Havelaar est créée en 1992 l’initiative de 3 ONG : Agronomes et Vétérinaires sans Frontières (AVSF), Peuples Solidaires et Ingénieurs Sans Frontières (ISF). En 1998, la campagne De l’éthique dans l’étiquette fait le forcing sur la grande distribution en appelant les citoyens à demander des produits équitables dans leur rayon. Plus de 180 000 signatures sont recueillis. La voie des consommateurs est entendue et le label Max Havelaar fait son entrée dans les supermarchés.

Le commerce équitable touche aujourd’hui des secteurs d’activités variés : alimentaire, mode, décoration, artisanat, bijoux, tourisme... Les promoteurs du commerce équitable, conscients que cette diversité n’est pas sans risque, s’organisent en réseaux au niveau européen et international, permettant au commerce équitable de se structurer et à ses acteurs de se concerter, de mutualiser leurs pratiques. Il devient une véritable force de proposition auprès des décideurs économiques et politiques. Outre leur rôle de concertation, ces réseaux permettent d’être reconnus comme interlocuteurs par les pouvoirs publics et les instances internationales.

Au niveau international, les trois labels, Fairtrade, Max Havelaar, Transfair, s’harmonisent puis s’unissent en avril 1997 dans une organisation de labellisation commune au niveau international : FLO, Fairtrade Labelling Organisations. Le modèle des filières intégrées se structure également avec  la Fédération International du Commerce Alternatif, IFAT (aujourd’hui WFTO), en 1989,  EFTA, association européenne du Commerce Equitable qui fédère les grandes centrales d’importation, et NEWS, réseau européen des Magasins du Monde.

En France, on assiste au même élan de structuration avec la création de la Plate-Forme pour le Commerce Equitable en 1997, qui est le premier collectif de ce type en Europe. Elle regroupe alors une dizaine d’organisations de commerce équitable (Artisans du Monde, Max Havelaar France, ASPAL..) ainsi que des organisations de Solidarité Internationale et d’Education au développement comme le CCFD.

En 2001, la première définition internationalement reconnue est donné par FINE (regroupement de FLO + IFAT + NEWS).  Depuis, deux nouveaux labels de commerce équitable sont apparus dont le Symbole des producteurs paysans qui appartient aux producteurs eux-mêmes. Un juste retour des choses après 70 ans d'histoire.

En 70 ans, le commerce équitable a acquis sa notoriété, il a accompagné au Nord comme au Sud une prise de conscience forte, et désormais acquise, sur la dépendance de nos modes de vie au Nord et au Sud. Mais pour qu’il garde toute sa force de proposition d’un autre commerce, il est impératif que les convictions premières restent toujours vivantes.

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